GIL RIGOULET débute sa carrière dans la presse en 1975 et devient dès le début des années 80 le premier photographe attitré du journal Le Monde avec lequel il collabore pendant plus de 20ans. Pendant trois décennies, il travaille avec de nombreux magazines de la presse nationale et internationale.
En parrallèle, ses travaux personnels mettent un accent particulier sur l’intensité du regard, le désir, de voir et de donner à voir. Pour lui, qui s’immisce dans la vie des autres, ses images sensibles prennent forme: des rockers aux mèches gominées, les baisers d’amour, les photographes en goguette, le corps et l’eau… et toujours la rue.
Il voulait être peintre, styliste, au concours des Arts appliqués, on lui déconseille, pour cause de… daltonisme. C’est comme ça qu‘il est devenu photographe professionnel.
« Depuis 4 ans, je m’occupe de mes photos personnelles. J’en ai réalisé beaucoup, principalement des séries et sujets que je traitais dans le temps, des sujets où j’étais libre sans commande. Elle représente plus de 40 ans d’archives. Un long travail m’attend mais c’est un immense plaisir de m’y replonger et de redécouvrir ces photos. Mon attention se concentre sur les années 70-80 et la mise en avant de mon regard sur ces deux décennies.
J’apprécie particulièrement la série réalisée à Londres, Naples et Chicago. A l’époque, je photographiais dans un contexte politisé et je m’intéressais à la place de l’homme dans ce monde. Un monde que l’homme ne choisit pas, et qu’il subit parfois sans le savoir. La rue en était la vitrine, j’y plongeais mon appareil photo sans complexe…
Quand j’aborde un projet, ce n’est jamais sur le court terme. Cela fait 35 ans que je travaille sur le thème du « le paysage en mouvement » ou du « Corps et eau ». A travers cette recherche sur le corps et l’eau, Il y a un coté social et une partie plus esthétique, l’état d’apesanteur, la fluidité; ce laisser aller, ce bien être pour beaucoup, cette suspension aquatique est presque un monde à part, la lumière qui se diffracte sous l’eau l’habille de stries zébrées. Un monde visuellement fascinant.
Molitor fait partie de la partie sociale de ce travail. Il est une sonde sur une époque, qui met en évidence en retour, la différence avec la nôtre, à quelques décennies près. L’effet de surprise laisse rapidement place au questionnement de nos libertés oubliées (pas de bonnet de bains, fumer autour des bassins, les femmes au seins nus, etc). En 1985, c’était facile de prendre des photos de gens dans une piscine. Il n’y avait pas besoin d’autorisation et aucun maitre nageur n’est venu me poser des questions…
Cet esprit de liberté résonne étonnement aujourd’hui d’où le succès de ces photos. Les gens sont vraiment surpris de voir autant de liberté en France. Elle marque définitivement une époque révolue… Depuis la réouverture de Molitor en 2014, je continue de photographier ce lieu. C’est un travail au Polaroid dans une esthètique des années 80. Souvent j’ai commencé une série sans savoir pourquoi, sans devoir photographique, juste par instinct, inconsciement et je tirais le fil, le temps et la maturité faisaient le reste.
Je travaille sur plusieurs sujets qui me touche, et tous s’affinent, évoluent avec le temps. Comme dans la peinture il y a des époques où notre sensibilité se précise, change.
J’ai réalisé par exemple des photos des appartements où j’ai vécu, sur les verres, carafes, fleurs séchées, corps, habits, juste des histoires intérieures, une histoire entre nous, des histoires avec moi, une esthétique de mon quotidien. Des Polaroids 665 positifs que j’ai laissé dans une boite pendant 13 ans, je les ai à peine fixé et les ai laissé s’oxyder,
Je voulais obtenir ce jeu de traces et de disparition des formes, une dégradation visuelle, un mimétisme avec la mémoire qui s’étiole, le contour des souvenirs qui s’efface. Deux livres objets, précieux, viennent de sortir sur cette série intimiste chez The(M) éditions, « Mes jours » et « Mes nuits » imprimés sur du papier japonais
Kalel Koven / Jerome Lorieau / In Frame
Links: gilrigoulet.com | Instagram
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EXPO /
« Rockabilly 82, photographies d’une bande de rockabilly en Normandie », tous les jours de 13 h à 19 h, 18 h les soirs de concert, le 106 à Rouen. Gratuit. Jusqu’au 24 Mars.